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Par-delà les corps

par Céleste Rogosin

Le projet « Par-delà les corps » (titre provisoire) s’inscrit dans la continuité de mes recherches artistiques et répond à la commande photographique nationale PERFORMANCE du Centre National de Arts Plastiques, dans le contexte des Jeux Olympiques 2024 à venir. Cette commande aboutira à plusieurs expositions, dont le Musée régional d’art contemporain (printemps-été 2024), le Centre Photographique Marseille (automne 2024), ainsi que d’autres contextes d’espaces publics à Paris et ailleurs.

Invitée à questionner les représentations du sport, à réfléchir à ses enjeux contemporains et son rapport avec les nouvelles représentations du corps performatif, j’ai imaginé un projet photographique hybride, qui réunit la performance physique – grâce à un travail avec des danseurs de B-boy de la communauté Calaisienne – et la performance technologique, avec l’usage de la programmation et plus particulièrement de la photogrammétrie.

Pour réaliser ce projet, je souhaite créer mon propre dispositif de capture volumétrique DIY (dispositif matrice composé de plusieurs caméras), portatif et autonome, utilisable en intérieur ou en extérieur. La structure sera fabriquée à partir de matériaux de récupération et le dispositif photographique pourra fonctionner grâce à la programmation.

Ce dispositif de capture volumétrique permettra dans un premier temps la réalisation de photographies grand format imprimées en encres UV sur métal, et qui montre des danseurs en pleine expression physique de leurs corps face à des paysages de couchers de soleil dans le Nord de la France. Les corps de ces danseurs, dansant seuls ou à plusieurs, seront reconstitués en nuages de points. Ils seront déplacés dans les paysages naturels de la Côte d’Opale qui deviendront les décors physiques et symboliques de leurs performances, en porosité avec l’espace. Le contexte de ces photographies fera écho aux représentations mythologiques du corps dans la Nature.

Dans la lignée de Bruce Nauman et Francis Alÿs, en passant par Gary Hill ou Rebecca Horn, avec ce projet j’aimerai revenir à une approche ontologique de la performance, engagée dans l’acte photographique et filmique. Ainsi, grâce à la mise en place d’un dispositif où les outils de mesure du corps (cardiofréquencemètre, capteurs IoT, système CORE ou autres) produiront des données en temps réel, le corps du danseur deviendra le seul « opérateur » de l’image.

La série photographique sera accompagnée d’une documentation filmique (5-10 minutes) sur le travail et sa mise en place, étape par étape, explicitant son propos et ses problématiques.

A travers ce projet tant sculptural, narratif que technologique, je souhaite interroger les imaginaires qui se déploient autour de ces outils technologiques, questionner la façon dont ils agissent sur les représentations des corps et des espaces, leur rapport au présent, à l’instantanéité.

J’ai imaginé ce projet à Calais, un territoire où j’ai déjà travaillé comme artiste, car la communauté Calaisienne est depuis un certain nombre d’années une place forte du hip-hop, ayant organisé des championnats de breakdance et fait émerger des jeunes danseurs. La compagnie Hervé Kouby s’y est également implantée.

Les technologies du numérique sont souvent associées aux technologies froides de contrôle et de surveillance. En choisissant d’ancrer ce projet sur les plages du littoral Nord, il s’agira aussi de les mettre en perspective et de se demander dans quelle mesure les technologies peuvent être au service de l’émancipation du vivant et comment la danse permet de s’affranchir de certaines frontières.